II. Mantoue et la famille Gonzague
III. Plains-chants du répertoire de Sainte-Barbara
Élevé à la cour de son oncle Hercule, Guillaume est très influencé par ce dernier. Évêque de Mantoue, cardinal, président de la troisième session du Concile de Trente, Hercule est lui-même un homme très imprégné des idées de la Contre-Réforme. Et c’est encore lui qui a commencé à appliquer des doctrines réformistes à la liturgie mantouane.
Il a, par exemple, fait rénover l’intérieur de la cathédrale Saint-Pierre par Jules Romain (8) et sa musique par Jacques Colebault (9), parce que cette ancienne cathédrale était « tellement mal construite que très peu de gens peuvent écouter et encore moins voir, quand les offices divins sont célébrés » (10). Ce réaménagement de l’espace en mettant l’accent sur l'accessibilité et la participation des fidèles est parfaitement en accord avec la pensée de la Contre-Réforme. Mais dans l’ensemble, la liturgie de la cathédrale de Mantoue suivait l’usage romain, et la musique restait essentiellement le plain-chant grégorien (11).
Le successeur d’Hercule, Guillaume, au lieu de poursuivre l’œuvre inachevée de son oncle, entreprend un nouveau projet : construire carrément une nouvelle église dans l’enceinte du palais ducal. D’après Ippolito Donesmondi, historien du XVIIe siècle, c’est, encore une fois, l’absence d’espace adéquat pour les musiciens et pour l’observation du rite qui est le motif de cette nouvelle construction (12). Ce projet est approuvé par Pie IV, et lors de la consécration en 1565, une bulle papale donne à la nouvelle église plusieurs statuts particuliers. Par exemple, elle est appelée basilique, titre conféré à un sanctuaire privilégié, et elle ne dépend pas du diocèse local, mais directement du Saint-Siège. De plus, la Basilique de Sainte-Barbara sera autorisée à développer son rite particulier. En effet, en 1571, le nouveau pape Pie V accorde au chapitre de Sainte-Barbara le droit de réciter ses propres offices spécialement élaborés. Mais il faudra encore à peu près dix ans pour compléter le texte et préparer la musique, supervisés par le duc Guillaume lui-même. En 1583, le bréviaire et le missel à l’usage exclusif de la Basilique reçoivent finalement l’imprimatur papal et sont effectivement publiés (13).
Quant aux plains-chants qui les accompagnent, ils sont copiés à la main dans des manuscrits de grand format. Nous sont parvenus environ trente manuscrits contenant des chants de l’ordinaire et du propre, des hymnes, des psaumes, des antiennes, des répons, etc. (14) qui sont, soit entièrement composés, soit modifiés à partir du grégorien. Un des plus importants recueils est Kyriale ad usum ecclesie Sancte Barbara (15). Ce manuscrit contient les chants de l’ordinaire de dix cycles qui seront en usage pour quelques siècles à la Basilique :
1. In Duplicibus maioribus (en 8e mode)
2. In Duplicibus minoribus (en 4e mode)
3. In Festis Beatae Mariae Virginis (en 7e mode)
4. In Festis Apostolorum (en 1er mode)
5. In Dominicis diebus (en 2e mode)
6. In Semiduplicibus majoribus (en 6e mode)
7. In Semiduplicibus minoribus (en 5e mode)
8. In Simplicibus minoribus (en 1er mode)
9. In Simplicibus minoribus et Feriis Temporis Pascalis (en 4e mode) [sans Credo]
10. In Feriis per annum (en 3e mode) [sans Gloria ni Credo]
Bien que le kyriale de Sainte-Barbara soit basé sur celui de Rome, le premier est assez différent du second (16). D’abord, dans la classification des fêtes, le kyriale romain se contente de la division des fêtes en doubles, semi-doubles et simples, alors que le kyriale mantouan, comme on le voit ci-dessus, subdivise chaque catégorie en majeur et mineur (17).
Et plus essentiel pour la musique est que dans le kyriale de Sainte-Barbara, chaque cycle a un seul mode. Ainsi, les chants appartenant à un cycle donné sont tous du même mode, ce qui n’est pas le cas dans l’usage romain. Une autre particularité du kyriale de Sainte-Barbara se définit par l’ambitus restreint. Dans aucun chant, l’ambitus ne dépasse une octave.
Comme on peut apercevoir à travers ces deux caractéristiques, le principe du kyriale de la Basilique semble de préserver la cohérence modale. Celle-ci, qui est de toute façon évidente dans les chants nouvellement composés, apparaît encore plus nette si on compare un chant modifié à partir d’un grégorien à son original.
Exemple 2 : Christe eleison de la Messe du jour de Seigneur (5e cycle)
Grégorien
Sainte-Barbara
Exemple 3 : Gloria de la Messe des Fêts des Apôtres (4e cycle)
Grégorien
Sainte-Barbara
Dans les deux exemples ci-dessus (Ex. 2 & 3), la mélodie grégorienne est plutôt libre et étendue, tandis que celle de Sainte-Barbara est plus limitée et plus syllabique. Il y a, en effet, moins de mélismes dans les mélodies adaptées, car leur premier objectif est de faire entendre plus clairement les paroles de la liturgie. De ce fait, il apparaît clairement que les chants de Sainte-Barbara s’accordent avec les principes du Concile de Trente. Comme cela a été évoqué plus haut, le Concile exprime sa préférence pour une déclamation précise et une intelligibilité du texte au moyen d’une mélodie simple (18).
En résumé, les plains-chants de Sainte-Barbara sont constitués de nouvelles compositions mais aussi d’éléments de la tradition. Dans les deux cas, la mélodie est peu mélismatique, la modalité, plus cohérente, le texte, mieux articulé.
IV. Messes polyphoniques et style alternatif de Sainte-Barbara
V. Conclusion
VI. Notes et biliographie
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