lundi 14 mai 2007

Le minimalisme dans l'art et dans la musique (4)

Introduction et I. 1. Terme
I. 2. Relations personnelles
I. 3. Histoire

II. Esthétique interne

II. 1. Simplicité et répétition

Quand les années 60 ont commencé, les jeunes artistes minimalistes rompent définitivement avec l’expressionnisme abstrait. Ils visaient tous à manifester la présence neutre d’une couleur ou d’un objet plutôt qu’à traduire une sensibilité d’une personne.

Pour obtenir cette impersonnalité, ils ont choisi des formes géométriques pures et simples et des couleurs unies. Les exemples les plus radicaux sont ceux qui ne sont constitués réellement que d’une seule forme et d’une seule couleur. Il est vrai tant pour les tableaux (Exemples 10, 11, 16, 17) que pour les sculptures (Exemples 18, 19, 20, 21, 22).

Exemple 18 : Tony Smith, Die, 1962
Acier, 183,8 x 183,8 x 183,8 cm
Whiteney Museum of American Art, New York


Exemple 19 : John McCracken, Dark Blue, 1970
Résine polyestère, fibre de verre, contreplaqué
243,8 x 55,9 x 7,6 cm


Exemple 20 : Donald Judd, Tôle galvanisée, 1971
10,5 x 68,6 x 58,5 cm


Exemple 21 : Dan Flavin, The Diagonal of May 25, 1963
Lumière fluorescente, 244 x 9,5 cm


L’équivalent en musique serait les pièces de La Monte Young, composées d’un seul élément sonore (Exemple 2). Mais un cas aussi extrême est plutôt rare en musique. Mis à part Young, la plupart des compositeurs minimalistes préfèrent recourir au procédé répétitif et au changement graduel.

Par exemple, Clapping Music de Steve Reich est composé entièrement de la répétition d’un seul module.

Exemple 23 : Clapping Music (1972) de Steve Reich


Le premier interprète frappe dans ses mains exactement le même module rythmique durant toute la pièce. Le module du deuxième semble plus varié, mais en somme, c’est la même chose. Simplement, quand il passe à la mesure suivante, il renvoie une croche ou un demi-soupir à la fin de la mesure. Ainsi, à l’écoute, on obtient ce que Reich appelle "l’effet de déphasage". Il a beaucoup développé cette technique en l’appliquant aux bandes magnétiques, aux instruments mélodiques et même à l’orchestre et au chœur.

Si Reich est soucieux des relations de déphasage entre deux ou plusieurs niveaux polyphoniques, Philip Glass semble préoccupé plus par la répétition linéaire. Il utilise donc un autre procédé répétitif qu’il appelle "processus additif", c’est-à-dire, chaque fois, quelque chose est ajouté. Dans Two Pages (Exemple 3), un module est répété plusieurs fois, et il est suivi d’un autre module qui est légèrement différent.

La répétition est également un moyen privilégié des artistes minimalistes. Comme dans la musique, il y a deux sortes de répétitions. Certaines œuvres répètent un seul élément (Exemples 13, 14, 24, 25) ; certaines autres, quelques ou plusieurs éléments pas tout à fait semblables ni tout à fait dissemblables (Exemples 26, 27, 28, 29).

Exemple 24 : Carl Andre, Zinc Square, 1967
Zinc, 365,8 x 365,8 cm
Milwaukee Art Museum


Exemple 24-2 : Carl Andre, Lever, 1966
137 briques réfractaires, 11,4 x 22,5 x 883,9 cm
National Gallery of Canada, Ottawa

Exemple 25 : Sol LeWitt, Structure, 1973
Installation au capcMusée d’art contemporain, Bordeaux


Exemple 26 : Donal Judd, Aluminium anodisé vert et acier inoxydable, 1974
15,6 x 281,3 x 15,2 cm
Collection M. J. S., Paris



Exemple 27 : David Smith, Cubi I, 1963
315 x 87,6 x 85,1 cm
The Detroit Institute of Arts


Exemple 28 : Sol LeWitt, 6 Incomplete Open Cubes, 1974
Émail sur aluminium, 105 x 105 x 105 cm chaque
Collection A. A. Herbert, Gand


Exemple 29 : Robert Morris, L-Beams, 1965
3 éléments de contreplaqué peint, 244 x 244 x 61 cm chaque
Installation au capcMusée d’art contemporain, Bordeaux


Dans le dernier exemple, les éléments répétés sont en réalité identiques, mais disposés d’une façon différente.

Aucune de ces œuvres n’exprime un sujet ou une idée cachés derrière l’œuvre. Ici, la structure elle-même est le sujet, et l’idée et sa matérialisation ne font qu’un. Wladyslaw Strzeminski, (porte-parole de l’art Uniste) a dit, bien avant les minimalistes, en 1926, "l’œuvre d’art n’exprime rien. Elle n’est pas le signe de quoi que ce soit" (6). Dans l’art minimaliste, ce qui importe, c’est la forme, la couleur, la matière et l’espace.

Pour la musique aussi, il a été dit à peu près la même chose. Par exemple, Glass dit qu’il espère que son auditeur va "découvrir une autre mode d’écoute ; ni la mémoire ni l’anticipation n’ont de place pour soutenir la texture, la qualité ou la réalité de l’expérience musicale" et que l’auditeur va "sentir la musique comme une présence, et comme un son pur, libéré de la structure dramatique" (7).


(6) G. Mollet-Viéville, Art minimal & conceptuel, p. 18.
(7) C. Gagne & T. Caras,
Soundpieces, p. 215.

II. 2. Planéité
II. 3. Infinité
II. 4. Public
Bibliographie

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