samedi 30 juin 2007

Un entretien avec Pascale Ferran

Aurélien Ferenczi et Mathilde Blottière
Télérama n° 2996 - 16 Juin 2007 (lien rompu)

“Je commence à toucher ma bille en botanique.”

Exigeante et passionnée, Pascale Ferran, la réalisatrice de “Lady Chatterley”, dont la version longue sera diffusée sur Arte, le 22 Juin à 20h40, défend le cinéma d’auteur. Mais se sent libre de faire demain tout autre chose.

C’est une cinéaste rare : Pascale Ferran, 47 ans, tourne peu, mais bien. Petits Arrangements avec les morts, en 1994, avait reçu la Caméra d’or, qui récompense le meilleur premier film du festival de Cannes. Lady Chatterley, d’après le roman de D.H. Lawrence, sorti à l’automne dernier, a raflé cinq césars, dont celui du meilleur film et celui du meilleur scénario. Le succès public a salué ce récit d’une passion charnelle dans l’Angleterre des années 20, qui abolit les différences sociales et culturelles. Connue pour ses engagements (soutien aux sans-papiers), remarquée pour son coup d’éclat aux Césars (critique de la paupérisation d’une partie du cinéma français), Pascale Ferran réaffirme qu’elle est cinéaste avant d’être militante, et que dans son œuvre aussi se lit le désir de mieux vivre ensemble. Alors que la version télé, plus longue d’une heure et rebaptisée Lady Chatterley et l’homme des bois, est diffusée sur Arte, conversation avec une cinéaste cinéphile et citoyenne, à la pensée précise.

Au début des années 80, alors que vous étudiiez le cinéma à l’Idhec, comment imaginiez-vous votre parcours de cinéaste ?
A vrai dire, je n’imaginais rien du tout. Mes seuls horizons étaient et sont toujours mes films ou, plutôt, le prochain. Je ne me suis jamais imaginée comme une cinéaste faisant carrière. Mon premier film, Petits Arrangements avec les morts, réalisé dix ans après ma sortie de l’école de cinéma, a ainsi longtemps constitué un horizon indépassable à mes yeux. Ce n’était pas le cas alors pour tous mes copains : Arnaud Desplechin, par exemple, se voyait plutôt comme un cinéaste enchaînant les films.

D’où vient votre désir de cinéma ?
D’une expérience de spectatrice décisive. A 14 ans, pour la première fois, je suis allée au cinéma toute seule pour voir Mes petites amoureuses, de Jean Eustache. J’avais le même âge que le héros, et ce film m’a profondément marquée. Là, dans cette salle, j’ai eu l’impression qu’il avait été tourné pour que je le voie, et je me suis sentie moins seule. A cet âge-là, mon rapport à la solitude était assez mélancolique, et je découvrais un endroit que je pouvais habiter : la salle de cinéma. A la même époque, mon frère, de sept ans mon aîné, est entré à l’école Louis-Lumière pour devenir ingénieur du son. L’idée de faire des images pour travailler avec lui a pris forme...

Quelle cinéphile étiez-vous ?
Je suis née en 1960, en même temps que la Nouvelle Vague, et, adolescente, ma cinéphilie est indissociable du très riche cinéma français d’alors. Dans mon panthéon, il y avait Godard et Truffaut, puis plus tard Demy et Resnais, qui sont restés plus importants pour moi que tous les autres. Après est venu tout le cinéma moderne européen : Family Life, de Ken Loach, Antonioni, les premiers Wenders. Contrairement à Arnaud Desplechin, qui allait voir tous les films américains du moment, ceux de Scorsese, de Coppola, Lucas…, je gardais un rapport privilégié avec les films français. J’ai élargi ma cinéphilie, mais je suis reconnaissante envers un réalisateur chaque fois qu’il me donne à voir quelque chose que j’ai l’impression de n’avoir jamais vu ailleurs. Le cinéma est pour moi, avant tout, un dévoilement du monde et de sa complexité.

Que se passe-t-il pendant les dix ans qui séparent votre sortie de l’Idhec de Petits Arrangements avec les morts ?
Assez vite, j’ai écrit un premier long métrage avec Pierre Trividic [dialoguiste de Lady Chatterley, coréalisateur de Dancing, NDLR], qui n’a pas trouvé de producteur. Pour gagner ma vie, je travaillais comme assistante à la télévision, notamment sur des directs de variétés. C’était un peu un truc d’orgueil : je ne voulais pas commencer dans le cinéma en tant qu’assistante. Cela me permettait de percevoir les Assedic et, aussi, de travailler soit sur mes projets personnels, soit en tant que scénariste, l’occupation que je préfère quand je ne tourne pas.

A la sortie de Petits Arrangements..., vous avez été unanimement saluée comme un talent prometteur du cinéma français. Comment avez-vous réagi à cela ?
Par un drôle de mélange de réconfort et d’inhibition. Cette reconnaissance m’a délivrée de l’exigence de « faire ses preuves », et je me suis sentie davantage à ma place. Pour ne pas être attendue au tournant, j’ai choisi de réaliser un film à très petit budget, L’Age des possibles [avec les élèves du Théâtre national de Strasbourg, NDLR] : je n’avais aucune pression ni exigence de résultat. C’était une contre-attaque maligne mais elle n’a fait que reporter le problème ! Cela dit, rien n’oblige à enchaîner les films. On peut très bien ne faire qu’un film dans sa vie, s’il est réussi, tout va bien. Mais c’est facile pour moi de dire ça parce que je ne ressens pas le besoin de tourner pour tourner. Et puis cela me rassure de ne pas me sentir enchaînée au cinéma, je me sens plus libre. Souvent, je me dis que si jamais je ne réalise plus de films j’entamerai une formation accélérée de paysagiste, je commence à toucher ma bille en botanique...

Tout de même, vous êtes, selon l’expression que vous avez utilisée aux Césars, une réalisatrice de « films du milieu » et non pas d’ovnis confidentiels. Comment se fait-il que vous ayez si peu tourné ?
Après L’Age des possibles, je ne me sentais pas prête. Je n’avais pas de projet que je ressentais la nécessité impérieuse de porter au monde. J’ai préféré travailler comme coscénariste sur un long métrage de Pierre Trividic. Ce scénario sur Newton, que je tiens pour l’une des plus belles choses que l’on ait écrites tous les deux, n’a pas abouti pour l’instant, faute de financements. Reste une certitude : sans ma participation à ce projet, sans le savoir-faire qu’il m’a apporté, je n’aurais jamais pu adapter un roman de cinq cents pages comme Lady Chatterley et l’homme des bois, de D.H. Lawrence.

Il y a eu aussi un autre projet avorté, que vous deviez réaliser. Il a longtemps servi d’exemple à la crise des financements en France...
Oui, Paratonnerre, écrit en 2001-2002, toujours avec Pierre (Trividic). C’était un scénario à la fois distrayant et profond, une histoire d’amour avec une dimension fantastique censée se dérouler pendant la période de Noël à Paris. Le projet était cher, mais j’avais trouvé deux acteurs connus dont j’étais ravie et nous avions obtenu l’avance sur recettes à l’unanimité. Malgré cela, aucune chaîne n’en a voulu, sauf Canal+, à l’époque en pleine tourmente Vivendi. Le choc a été assez dur. Sans doute mes propres films sont-ils dans un entre-deux difficile : pas assez radicaux pour être dans une coterie cinéphilique et trop à la marge, soit en terme de casting, soit en terme de durée, soit… il y a toujours quelque chose. Comme si je ne parvenais jamais à être dans la bonne case. Mais tant pis, je continue coûte que coûte à considérer le cinéma comme une industrie de prototypes.

Lady Chatterley est-il un « film du milieu » ?
Oui, il s’inscrit dans la filiation des Deux Anglaises et le Continent, de Truffaut. Même si le budget de Lady Chatterley est très mince pour un film en costumes, le film est suffisamment romanesque pour toucher le plus grand nombre de spectateurs possible. Savoir utiliser au mieux l’argent dont on dispose, pour moi c’est déjà de la mise en scène.
Dès le départ, j’ai su qu’il fallait convertir le manque de moyens en surcroît de liberté. Disposer du tiers d’une équipe normale, soit quinze personnes, cela peut parfois favoriser l’investissement de chacun, éviter l’inertie.

Vous appréhendiez les scènes de nu ?
Si on ne les appréhende pas, on ne peut pas les appréhender, si vous me passez l’expression !… Deux mois avant le début du tournage, on a fait un atelier autour de ces scènes-là, Marina Hands, Jean-Louis Coulloc’h et moi. Le matin, ils travaillaient avec une danseuse de butô. Je voulais un travail de répétition comme au théâtre, un travail de recherche qui permette de voir comment la pensée d’un personnage se transforme en geste, comment un geste en appelle un autre, etc. Ces séquences étaient minutieusement décrites, dans le livre comme dans le scénario. Les répéter a permis de les désacraliser, d’assumer le fait que c’était du travail. Le cliché aurait été de les considérer comme de la pulsion, le pur jaillissement du désir. Mais même la spontanéité se construit. Sur ce genre de scènes, le pire, pour un comédien, est d’entendre : « Voilà le lit, allez-y ! »

Vous saviez dès l’origine comment les filmer ?
Je voulais que ces scènes donnent le plus possible une sensation de réalité, et j’ai décidé de prendre quasiment une posture de documentariste. Ce sont des scènes peu découpées, presque en temps réel. Capter ce qui advient plutôt que le reconstruire par la mise en scène : ce n’est pas du tout une position dogmatique sur le cinéma, mais la meilleure solution, à mes yeux, pour ces scènes-là. Parce que c’est cohérent avec les sensations éprouvées par Constance, l’héroïne. Ces étreintes amoureuses la jettent dans le présent, la mettent à une place qu’elle a l’impression de n’avoir jamais connue jusque-là : l’hyperprésent du moment...

Quel est le vrai sujet du film ?
Comment la rencontre de deux personnes passe par un apprivoisement assez long, une forme d’apprentissage de l’autre, de son corps, de ses différences de culture. Le film dit que l’amour se construit : à l’attraction initiale, au désir charnel, s’ajoutent une construction mentale, une mémoire commune des sensations puis des sentiments. La relation amoureuse est la situation dans laquelle notre capacité de transformation peut s’épanouir avec une intensité maximale. Mais cette capacité est également présente dans toute relation humaine. Pour décrire ce processus, il a fallu d’une certaine façon que nous le vivions, les deux acteurs principaux et moi, c’est-à-dire que l’on construise de l’intimité, de la confiance, de la délicatesse.Une réplique du garde-chasse rétablit l’égalité entre homme et femme : « On a joui ensemble, cette fois... » C’est une réplique que je trouve très mystérieuse. Elle est prononcée à la troisième scène d’amour – sur les six que comporte le film –, une séquence dont le nom de code pour l’équipe sonnait comme un haïku : « Jouissance dans un bois de sapins ». Il y a un côté très pragmatique : le personnage accuse joyeusement réception de ce qui s’est passé. Mais cela apporte aussi une crudité qui gêne Constance. Quelqu’un de sa condition sociale n’aurait pas dit ça... C’est la marque d’une égalité sur un terrain intime, mais à l’instant où la phrase est prononcée, elle creuse l’écart social. Ce genre de moments contradictoires me passionne : on énonce de l’égalité et, dans le même temps, on provoque de la différence.

Au cinéma, quelles scènes d’amour vous ont marquée ?
J’aime celles de La Leçon de piano ou d’In the cut, de Jane Campion. Il y en a une que j’aime infiniment dans Révélations, de Michael Mann : c’est une toute petite scène, assez elliptique, où Al Pacino et sa femme font l’amour. Elle m’a frappée parce qu’elle est très joliment filmée et qu’elle nous dit quelque chose de la vie de ce couple, déjà ancien mais toujours traversé par le désir et la tendresse. Cette sexualité de croisière atteinte par les vieux couples n’est pas souvent montrée au cinéma. Et puis il y a Blissfully Yours, du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, qui a été un point de repère décisif. Il y a dans ce film des images crues et délicates à la fois, comme ce plan d’une érection à vue. Pour arriver à filmer cela, il faut un tel climat de douceur et d’abandon, c’est comme si le tournage et la vie ne faisaient plus qu’un. Ce film m’a donné en permanence l’espoir d’arriver au bout de mon projet.

Les nominations aux Césars ont-elles été une surprise ?
Non, plutôt un espoir. J’ai été ravie des prix techniques, notamment celui de la meilleure photo, et du prix pour Marina. Sur le plan pratique, les Césars ont permis de doubler le nombre d’entrées en France (de 200 000 à 400 000 spectateurs), ce qui est très important pour nous. Par ailleurs, au festival de Berlin, Lady Chatterley s’est très bien vendu à l’étranger, ce qui est de plus en plus décisif pour la vie d’un film. Il sort bientôt aux Etats-Unis.

Mais, paradoxalement, le film ne serait pas plus facile à financer aujourd’hui...
Non. L’exception ne change pas la règle, jamais. On l’avait déjà vu après le triomphe de L’Esquive. Il faudrait une volonté politique pour revisiter les systèmes d’aide actuels, commencer par augmenter fortement la dotation de l’avance sur recettes. Il est nécessaire de créer un contre-pouvoir face aux chaînes de télé qui financent le cinéma. Aux Etats-Unis, une loi antitrust rend impossible la concentration des pouvoirs aux mains des télévisions. Elles ne peuvent pas être coproductrices et distributrices, via leurs filiales. On n’est pas loin d’avoir besoin de ça en France, mais rien n’indique que le pouvoir politique en soit conscient.

Il y a dix ans, vous aviez participé à « l’appel à désobéir » lancé par des cinéastes pour défendre les sans-papiers. Aux Césars, vous avez pointé les dysfonctionnements de financement du cinéma. Votre engagement politique est-il intimement lié à votre travail de cinéaste ?
Je n’en suis pas sûre. A l’époque, nous nous étions servis de notre petite notoriété, surtout en bande, pour agir, rien de plus. Et les films engagés ne me passionnent pas beaucoup quand ils n’ont pas d’enjeux cinématographiques. Mais je m’intéresse à la notion de vivre ensemble, à deux ou à plusieurs, et aux gestes qu’il faut produire pour y parvenir. C’est une question qui m’obsède, aussi bien sur un terrain intime et cinématographique que politique .

vendredi 29 juin 2007

Une critique de "Lady Chatterley" de Pascale Ferran

Avec impudeur et délicatesse, Pascale Ferran réinvente une lady Chatterley éprise avant tout de liberté.

Depuis le temps qu’elle hante les bibliothèques, on croyait la connaître, cette lady Chatterley née de l’imagination de D.H. Lawrence. Qu’on ait lu ou non l’une des versions de ce fameux roman (Lawrence en a écrit trois différentes), on en connaît l’histoire : dans les années 20, en Angleterre, une jeune femme de la haute société trompe son ennui et son époux infirme avec son garde-chasse. D’où de grands moments d’érotisme, et, dans l’imaginaire collectif, une héroïne peu à peu réduite à un parangon d’adultère. Le prototype de l’aristo-couche-toi-là fricotant avec le petit personnel. Les nombreuses adaptations ou variantes cinéma, de la version de 1955 signée Marc Allégret avec Danielle Darrieux à la bluette érotico-kitsch de Just Jaeckin, avec Sylvia Kristel, en 1981, ont renforcé cette imagerie, chacun à leur manière.

Mais, cette fois-ci, le retour de la belle Anglaise coïncide avec celui, très attendu, de Pascale Ferran. Après onze ans d’absence et deux projets qui ont tourné court, la réalisatrice inspirée de Petits Arrangements avec les morts, en 1993, et de L’Age des possibles, en 1995, rend à Constance Chatterley ce qui lui appartient, ou plutôt ce qu’elle s’approprie peu à peu dans le roman : la liberté.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une femme qui s’évade pour aller à la rencontre d’elle-même. De la clarté grise, étouffée des pièces du château au miroitement de la forêt environnante, le film se construit minutieusement sur ce franchissement. Sur ce va-et-vient entre le dedans et le dehors, entre l’épouse résignée et la promeneuse qui s’enhardit, bientôt amante éblouie. C’est comme un thème musical, un refrain auquel Pascale Ferran ajouterait progressivement quelques notes de plus. La traversée de la forêt, répétée encore et encore, structure le récit autant que le personnage : chaque fois, Constance doit repartir de zéro, refaire les pas, y compris dans sa relation physique et affective avec Parkin, le garde-chasse.

C’est une histoire d’apprivoisement entre deux êtres que tout sépare, qui doivent en quelque sorte constamment refaire connaissance pour accéder l’un à l’autre.
La première rencontre, scène cruciale et très belle, se déroule dans la lumière frissonnante de l’automne. Constance surprend Parkin torse nu, en train de se laver près de sa bicoque au milieu des bois. Elle fuit, éperdue, choquée comme peut l’être une femme de son époque et de sa condition, mais aussi profondément troublée. Dès ce premier regard, tout est dit, la transgression, la force et l’incongruité du désir. C’est vers ce corps étranger, vers cette présence que Constance avance désormais, de plus en plus près, d’une échappée à l’autre.
A l’image de Parkin (Jean-Louis Coulloc’h, formidable présence), au visage bourru et fatigué, au physique terrien, chacune des étreintes est étonnante. La cinéaste réussit l’exploit d’être à la fois lyrique, délicate et crue. Les corps s’empoignent, se mélangent, et pourtant gardent intacte une ineffable et secrète intimité. On regarde naître un dialogue physique, qui s’affine et s’enrichit peu à peu. Pascale Ferran établit avec ses personnages une sorte d’empathie respectueuse, comme lorsque autrefois elle évoquait le deuil (Petits Arrangements avec les morts) ou les questionnements d’une génération (L’Age des possibles).

Cet amour s’épanouit dans une nature radieuse, essentielle, magnifiquement filmée, où chaque saison vient déposer ses senteurs, ses murmures. L’eau fraîche de la rivière, l’odeur de l’humus, la lumière entre les feuilles, tout cela participe à l’envol de Constance. Chaque herbe, chaque arbre est vivant et contribue à la jouissance de l’héroïne, comme dans une célébration joyeusement panthéiste. Dans cet écrin feuillu, une actrice se révèle, frémissante et hardie : Marina Hands porte le film avec une émouvante générosité. Elle offre à lady Chatterley son délicat maintien aristocratique, face au massif et plébéien Parkin.
Situé dans une région minière de l’Angleterre, le film, comme le roman, s’étoffe en effet d’une dimension politique : Clifford, l’époux patron, s’enferme dans ses certitudes et son sentiment de supériorité, héros fragilisé et intransigeant, interprété tout en finesse par Hippolyte Girardot. Figé dans son arrogance sociale, ce personnage est à lui seul représentatif de la classe dominante de son époque. Face à lui, lady Chatterley se révèle une femme étonnamment moderne.


Cécile Mury
Télérama n° 2964 - 4 Novembre 2006

jeudi 28 juin 2007

Lady Chatterley et l'Homme des bois

J'ai vu hier un film magnifique : Lady Chatterley et l'Homme des bois de Pascale Ferran (discours aux Césars et interview avec Télérama). C'est un film vraiment très beau, frais, aéré et aérien, léger, simple, lumineux et extrêmement émouvant. Cela fait vraiment longtemps que je n'ai pas vu un aussi bon film. Il est à la fois érotique et poétique. Il a un côté minimaliste tout en respectant scrupuleusement le réalisme. Mais c'est surtout un film très communicatif. Plus on va vers la fin, plus on est joyeux. Plus les deux protagonistes s'aiment, plus on est heureux. La scène où l'héroïne s'endorme dans les bras et sur les genoux de son amant, toute confiante, est très touchante. Et la scène chez celui-ci où ils se voient pour la première fois complètement nus est filmée d'une façon simple et vraie. Et la scène de la pluie et celle d'après avec les fleurs sont vraiment admirables.

Tout en étant d'une grande légèreté lyrique, le film est aussi un peu politique. J'ai beaucoup aimé cet aspect-là. En aimant, Constance Chatterley non seulement se découvre mais aussi découvre d'autres mondes, d'autres cultures. Et elle s'affirme de plus en plus face à son mari et à la société qui veulent rester immuables et elle prend le parti des « dominés ». Encore mieux est qu'il ne s'agit pas que d'elle. Parkin aussi, en aimant, se découvre, se prend le courage et la liberté, et se construit.

La fin est tout simplement magnifique. J'avais peur que Constance ne finisse comme Emma Bovary. Mais non. Le film se clôt sur un ton plein d'espoir et d'avenir, très joyeux, très heureux.

Les acteurs sont tous très bons, mais surtout Marina Hands est absolument gracieuse. J'ai surtout aimé sa voix fragile et sa façon de parler, son intonation... Elle mérite vraiment tous ces éloges et ces prix qu'on attribue à son propos.

Comment peut-on faire un film aussi beau et bon ? De plus, en lisant l'entretien de Télérama, j'ai appris qu'elle avait soutenu des sans-papiers et qu'elle s'intéresse « à la notion de vivre ensemble, à deux ou à plusieurs, et aux gestes qu'il faut produire pour y parvenir ». Je suis très heureux d'avoir découvert cette grande réalisatrice intelligente et généreuse et ce très beau film.

mercredi 27 juin 2007

영국 크림 (crème anglaise)

어제는 집에 있던 쇼꼴라 과자와 함께 먹기 위해 영국 크림을 만들었습니다. 프랑쓰에서 영국 크림 이라 부르는 것은, 달걀과 우유로 만드는 걸죽한 크림으로, 여러 종류의 후식에 사용되거나, 과자와 곁들여 먹습니다. 이 크림은 이름 그대로 영국에서 유래한 것이며, 영국 사람들은 이것을 custard 라고 부르지요. 엄격히 말하면, 프랑쓰의 영국 크림은 영국의 커스터드보다 더 묽습니다.

영국 크림이 영국에서 온 것이 사실이긴 하지만, 정작 custard 라는 말은 불어 croustade 가 영국으로 건너간 것입니다. 크루스따드는 따르뜨 (tarte) 의 일종인데, 따르뜨를 만들 때에 이런 걸죽한 크림을 넣기 때문에, 차차 시간이 지나면서 영국에서는 따르뜨 자체와 따르뜨에 들어가는 크림을 부르는 명칭 사이에 혼돈이 왔습니다. 그리고 더 시간이 지나다 보니 글자와 발음 역시 약간의 변화를 거쳐 custard 라는 단어가 생겨났습니다. 그 후 이 크림은 프랑쓰에 역수입되어, 오늘날 프랑쓰 사람들은 영국 크림을 매우 좋아합니다. 만드는 법은 매우 쉽습니다.

재료 :
  • 달걀 노른자만 3개
  • 우유 반 리터
  • 설탕 50그람
  • 바니으 깍지 하나

만드는 법:
  1. 우유를 냄비에 붓고 바니으를 세로로 길게 잘라 안을 긁어 내어 우유에 섞습니다. 껍질만 남은 바니으 깍지도 역시 우유에 넣고 모두 함께 끓입니다.
  2. 우유가 끓기 시작하면 곧 불을 끄고 바니으 향이 우러나면서 식도록 잠시 그대로 둡니다.
  3. 그동안 달걀 노른자에 설탕을 붓고 거품기로 섞습니다. 설탕이 다 녹고, 달걀의 색깔이 연해지고, 표면이 매끄러워져야 합니다.
  4. 바니으 껍질을 건져낸 우유를 달걀에 천천히 조금씩 부으면서 거품기로 열심히 젓습니다. 특히 처음에는 뜨거운 우유가 달걀을 익힐 염려가 있으므로, 아주 소량씩 부어야 하며, 열심히 저어야 합니다. 계속해서 가느다란 줄기로 우유를 부으며 거품기로 젓기를 멈추지 않습니다.
  5. 달걀과 우유가 모두 섞였으면, 우유를 끓였던 냄비에 다시 되붓고, 약한 불로 익힙니다. 이 때 절대로 불 곁을 떠나지 말고, 계속해서 나무 주걱 등을 가지고 천천히 저어 주어야 합니다. 사실 이 과정이, 힘들 건 없지만, 제일 지루합니다. 거의 십분에서 십오분 정도 천천히 익히면서 저어주다 보면 표면의 거품들이 사라지고, 부드럽고 매끈한 크림이 되면서 걸죽해집니다. 만약 불을 너무 세게 하거나. 너무 오래 익히거나, 충분히 저어 주지 않으면, 작은 덩어리들이 생기므로 조심해야 합니다. 혹시 덩어리가 생겼다면, 벌써 너무 오래 익은 것이므로 곧 불을 끄고 식힌 후, 믹써에 한번 돌려주면 괜찮습니다.
  6. 크림을 다른 큰 그릇에 옮겨 상온에서 식도로 내버려 두었다가, 충분히 식으면 냉장고에 넣어 차게 먹습니다.

변법 :
  1. 진짜 바니으 대신 바니으 설탕이나 바니으 향 등을 사용해도 무관합니다
  2. 전통적으로 영국 크림의 향은 바이으 맛이나 요즘은 점점 다른 향을 사용하기도 합니다. 예를 들면 바니으 대신 오렌지나 레몬, 귤 등등의 껍질을 우유에 넣고 끓이기도 하고, 녹는 가루 커피나 코코아 가루를 넣기도 합니다. 단 이 두 경우에는 크림의 색깔이 노르스름한 색이 아니라 거무스름한 색이 되지요. 또 꼬냑, 럼, 끄왕트로 같은 술을 한 두 숟가락 넣어도 좋습니다.
  3. 보다 진한 크림을 만드려면 달걀 노른자의 수를 배가 될 때까지 늘려도 됩니다 (위의 경우에는 여섯 개까지).
moelleux au chocolat à la crème anglaise

mardi 26 juin 2007

해변, 표절, 그리고 선법 (plage, plagiat et mode plagal)

불어로 « 해변 » 을 뜻하는 plage 는 이딸리아말 piaggia 로부터 수입되었습니다. 이딸리아말 piaggia 는 라띠나어 plaga (땅, 지역, 토지) 와 고대 그리쓰어 plagios (기울어진, 비스듬한) 가 겹쳐지고 혼돈되면서 생겨난 말로, « 경사진 넓직한 땅 » 을 지칭했습니다. 그리고 여기서 비롯되어, 바다와 강, 호수 등 « 물가 주변의, 얕게 경사지고 넓게 펼쳐진 땅 » 을 일컫게 되었지요. (참고로 오늘날 piaggia 는 이딸리아에서 거의 사용되지 않는 단어이며, 이딸리아말로 « 해변 » 을 뜻할 때는 spiaggia 라고 합니다.)

그리쓰어 plagios 는 고대 로마에서는 사람의 인격을 묘사하는 데에 사용되기도 했습니다. 즉, « 성격이 삐딱한, 곧지 못한... » 이 단어가 라띠나어로 수입되면서 plagiarius 라는 독특한 형용사를 낳았지요. 라띠나어에서 이 단어는 « 남의 노예를 훔치는 », 또는 명사화 되어 « 남의 노예를 훔치는 도둑 » 이라는 뜻이었습니다. 그런데 나중에 여기에 « 다른 사람의 생각이나 저작을 표절하는 (사람) » 이라는 새로운 뜻이 첨가되었습니다. 이 단어가 변하여 불어의 plagiaire 가 되었고, 여기서 명사 plagiat (표절) 과 동사 plagier (표절하다) 가 차차 유래되었습니다.

그리쓰어 plagios 에서 유래된 또다른 단어 중에, 음악을 공부하는 사람들이라면 반드시 알아두어야 할 plagal 이라는 말이 있습니다. 서양의 중세 음악, 그리고 서양 외의 다른 여러 문화권의 음악에는 선법 (mode, modalité) 이라는 개념이 있었는데, 이것은 간단히 말해, 음정 간격이 일정한 원칙에 따라 정해진 음계 체계입니다. 중세 서양 음악에는 모두 여덟 개의 선법이 있었는데, 이 중 네 개는 정격 선법 (modes authentes) 이라 하고, 정격 선법을 « 기울여서 » 만든 네 개의 새로운 선법은 변격 선법 (modes plagaux) 이라 부릅니다. 변격 선법들은 각각에 상응하는 정격 선법과 동일한 종지음을 공유하지만, 낭송음은 3도 낮으며, 전체 음역은 4도가 낮은 선법들입니다. 중세 후기에는 여기에 네 개의 선법이 첨가되어 모두 열 두 개의 선법이 쓰였던 적도 있었으나, 결국에는 그 중 단지 두 선법 만이 살아 남아 오늘날 장조 (majeur) 와 단조 (mineur) 라는 이름으로 불리고 있습니다.

dimanche 24 juin 2007

빠리-해변 (Paris-Plage)

하얀 밤 (Nuit blanche) 과 마찬가지로, 역시 베르트렁 들라노에 (Bertrand Delanoë) 빠리 시장에 의해 2002년에 제정된 후, 프랑쓰와 외국의 대도시들로 수출된 행사로 빠리-해변이 있습니다. 매년 여름마다 휴가를 떠나지 못하는 - 또는 않는 - 시민들 사이에 큰 성공을 거두고 있는 이 행사는, 이름 그대로 빠리의 쎈 강 주변을 해변으로 변모시키는 것이지요. 이를 위해 약 한 달 동안 강변도로가 완전히 차단되고, 수천 톤의 모래와 잔디가 아스팔트 위에 깔리며, 수십 그루의 야자 나무와 긴 의자, 빠라쏠, 아막 등등이 설치됩니다. 그 외에도 온갖 종류의 상점들 (음료수 가게, 간이 식당, 아이스크림 장사, 기념품 가게, 책방...) 이 문을 열고, 또 흔히 해변에서 볼 수 있는 여러 종류의 놀이나 운동을 할 수 있는 장소들이 마련됩니다. 그리고 즉석 연주회나 거리 연극, 어린이용 인형극 등등의 행사도 펼쳐지고, 구조 요원들과 간호사들도 만약의 사태를 위해 대기하고 있습니다. 한마디로, 직접 물에 들어가서 수영을 못할 뿐이지, 정말 빠리-해변은 상당히 진짜 해변과 비슷한 느낌을 줍니다. 그리고 이 문제를 해결하기 위해 몇년 전부터는 수영장들 역시 설치되었습니다. 이 중 한 수영장은 강물 위에 둥실 떠 있는 수영장입니다.

그런데 사실 너무 인기가 좋다 보니, 사람들이 너무 몰려서, 이 모든 것을 제대로 이용하기가 힘듭니다. 아무리 일찍 가도 벌써 모든 자리들이 다 점령되어 있고, 한번 자리를 맡은 사람들은 해가 질 때까지 절대로 일어나지 않는 것만 같습니다. 그리고 설사 긴 의자가 하나 빈다 해도 정말 운이 좋지 않으면 순식간에 다른 사람이 맡아 버리지요. 하지만 그래도 한 쪽으로는 빠리의 고풍스런 건물들을 보면서, 또 한 쪽으로는 수영복 차림에 일광욕하는 사람들을 보면서 강변을 산책하는 것도 나름대로 재미있습니다.

빠리-해변 (Paris-Plage)

떠 있는 수영장 (piscine flottante)

samedi 23 juin 2007

하얀 밤 (Nuit blanche)

하얀 밤유럽 문화유산의 날들과 비슷한 행사인데, 후자가 국가적, 그리고 더 나아가 국제적 행사라면, 하얀 밤은 시 단위로 이루어지는 행사입니다. 이 행사는 2002년, 빠리 시장 베르트렁 들라노에 (Bertrand Delanoë) 에 의해서 제정된 후, 역시 많은 성공을 거두어, 프랑쓰와 유럽의 다른 대도시들로 수출되었습니다. 하지만 엄격히 말하면 빠리의 하얀 밤은 완전히 독창적인 생각은 아니고, 이미 1997년부터 베를린에서 행해지던 박물관의 긴 밤 (Lange Nacht der Museen) 을 변형시킨 것이랍니다. 그럼에도 불구하고 2002년까지는 오로지 베를린과 외스터라이히에서만 행해지던 이 행사가 빠리의 하얀 밤이 성공한 이후로서야 다른 도시들에서도 채택되었습니다. 그리고 독일어권 국가들을 제외한 대부분의 나라에서는 하얀 밤이라는 이름을 번역해서 쓰거나 fête de la musique 처럼 아예 불어 nuit blanche 를 그대로 사용합니다.

시월 첫번째 토요일 밤부터 일요일 새벽까지 계속되는 이 행사 동안 사람들은 박물관들을 밤새 무료로 구경할 수 있을 뿐 아니라, 여러 다른 특이한 장소들과 다양한 거리 행사들을 볼 수 있습니다. 사실 점점 더 기존의 박물관보다는 (어차피 일년 내내, 그리고 낮에도 볼 수 있는 곳들이니까) 젊은 예술가들의 새로운 설치 예술이나 밤의 어둠을 이용한 빛 예술 같은 독특한 형태의 행사에 사람들이 몰리는 경향이 더 많은 것 같습니다.

그리고 5년 전 하얀 밤이 처음 열리던 밤, 시청이 모두에게 개방되었을 때, 한 남자가 들라노에 시장을 살해하려 했던 사건도 유명하지요. 범인은 시장의 배에 몇차례 칼질을 한 후에 다른 구경꾼들에 의해 잡혔고, 시장은 자기가 연 행사를 제대로 구경도 못한 채 병원에서 며칠간 혼수상태를 겪었지만, 생명에는 지장이 없어, 지금까지도 여전히 하얀 밤을 매년 열고 있습니다.